Lors de la conférence SoData consacrée aux données ouvertes en recherche, l’initiative Research Data Alliance a été présentée brièvement. Nous étions curieux d’en savoir plus. Odile Hologne, impliquée dans ce projet international de partage des données de recherche, a accepté de répondre nos quelques questions supplémentaires.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis directrice de l’information scientifique et technique à l’Inra www.inra.fr depuis presque 10 ans. Ma formation initiale est celle d’un ingénieur agronome spécialisé en économie mais je n’ai jamais exercé dans ces domaines. J’ai toujours occupé des postes dans des établissements d’enseignement ou de recherche sous tutelle du ministère de l’agriculture et en lien avec l’informatique, la gestion de l’information ou l’édition avec une préoccupation de diffusion des connaissances et d’innovation dans ces domaines.
Pouvez-vous présenter la Research Data Alliance? Quels sont ses objectifs et les actions qu’elle mène en faveur de l’Open Data en recherche ?
RDA est un grand projet international pour permettre le partage des données de la recherche. RDA veut bâtir les ponts politiques, sociologiques et techniques pour partager les données et ce quelles que soient les disciplines scientifiques. RDA a été officiellement lancé en mars 2013 avec une première réunion plénière à Götteborg où Neelie Kroes, vice presidente de la commission européenne a clairement insisté sur les enjeux d’une science ouverte pour le progrès et l’innovation.
La Research Data Alliance a été créée à l’initiative de trois pays (Australie, USA et Europe). Quels sont les avantages mais aussi les défis d’une coordination à si large échelle?
Ce qui est particulièrement appréciable c’est d’y retrouver une communauté « open science » sans frontière de pays ou de disciplines : nous partageons tous le même objectif « data sharing without barriers » et la compréhension des enjeux du partage des données. RDA est basée sur la participation des individus et deviendra ce que nous en feront. C’est vraiment stimulant d’avoir l’impression de participer à quelque chose en construction. Les difficultés et les défis à relever sont liés notamment à ce mode de fonctionnement, il n’y a pas de moyens budgétaires alloués (la commission européenne y travaille et les jeune chercheurs peuvent avoir des bourses pour participer aux réunions plénières pour etre informé, il faut s’inscrire sur le site web. Un des autres challenges est de toucher toutes les communautés disciplinaires et pas uniquement les spécialistes des nouvelles technologies ou de la gestion de l’information.
Comment s’organise le travail au sein de Research Data Alliance? Pouvez-vous en expliquer le fonctionnement?
Il y a une véritable gouvernance internationale avec un conseil qui oriente les actions politiques et une petite équipe de permanent qui suit les actions. Les participants proposent les pistes de travail qui peuvent se concrétiser dans des groupes d’intérêt, des groupes de réflexions (BoF : Birds Of a Feather) ou des groupes de travail (GT) . Les 2 premiers sont plutôt des instances de réflexions pour définir les actions à conduire. Les groupes de travail rédigent des projets (case statement) qui sont soumis à l’évaluation d’un comité technique (TAB : Technical Advisory Board). Seuls les GT ont des objectifs de résultats concrets sur une période de 18 mois. C’est très collégial, « bottom up« , avec une exigence de qualité assurée par le TAB qui garantit la pertinence du travail et sa complémentarité entre les groupes.
Un schéma général de l’organisation est décrit dans cette page.
Comment la Research Data Alliance peut aider à favoriser plus d’open data en recherche à différentes échelles ( laboratoire, université, instituts)?
RDA a un an. C’est encore un peu tôt pour qu’il y ait des outils issus de RDA directement opérationnels au niveau des labos. Je pense que cette alliance va participer à une prise de conscience politique des enjeux de l’open science. De plus la National Science Foundation et la Commission Européenne qui sont des financeurs de la recherche ont tous les moyens pour que leur politique soit suivie d’effets. H2020 et ses appels à projets seront des outils pour le développement de l’open access et de l’open data en recherche.
Quelles sont les problématiques majeures soulevées par la Research Data Alliance? Quelles pistes de solutions sont apportées?
Une synthèse des sujets abordés est présentée dans cet article. Il y a à la fois des sujets techniques : comment identifier, citer, partager les données, faire face aux big data et les traiter ; des aspects plus sociologiques sur la « maturité des communautés » à partager sont aussi étudiés ou sur la question des compétences. Comme il s’agit d’un fonctionnement « bottom-up », ce sont les idées des participants et l’opportunité d’avoir un leader sur un sujet qui font le contenu du programme de travail de RDA aujourd’hui.
Comment l’INRA s’engage t’elle dans la Research Data Alliance?
J’ai participé à la première réunion plénière avec une collègue, Esther Dzalé, il y a un an. C’était « pour voir ». Nous y avons retrouvé un embryon de notre communauté « agricole » dont la FAO. Il nous est rapidement apparu qu’RDA pouvait être le lieu pour mettre en synergie d’autres initiatives tels que GODAN ou des réseaux tels que CIARD avec la perspective de travailler ensemble à des projets pertinents pour nos communautés. Il ne faut pas oublier que nos enjeux scientifiques (Sécurité alimentaire, nutrition-santé, agriculture durable, changement climatique …) supposent de partager nos données et d’accéder à celles produites par d’autres hors d’un périmètre hexagonal.
Comment cette organisation aide des pratiques Open Data au sein de votre institut?
En plus d’un groupe d’intérêt sur les données en agriculture, nous avons créé un groupe de travail sur l’interopérabilité des données du blé qui est co-animé par Esther avec un collègue du CYMMIT. Cela s’inscrit dans un programme international de coordination des recherches sur le blé lancé par la France dans le cadre du G20 : la Wheat Initiative dans lequel l’Inra est un acteur important.
Positionner ces projets dans un contexte avec des partenaires internationaux est un véritable moteur pour légitimer nos actions en faveur du partage des données de la recherche et obtenir des financements pour le faire. De plus, depuis le lancement de ces 2 groupes, nous avons été contacté par la NASA qui s’intéresse à nos avancées dans le cadre de leurs travaux sur « Agriculture et changement climatique » et aussi par l’université de Nothingam qui gère un projet de géoréférencement des données en agriculture . Tout cela est particulièrement stimulant!
Pour en savoir plus :
Lire en particulier le numéro spécial de D-Lib magazine sur RDA.